• Manche perdue

    MetroIl est entré dans le wagon, ce matin-là.

    Il s'est adossé silencieusement, contre la barre de métal verticale.

    La tête baissée, il a débité, sans même crier pour se faire entendre, un discours mécanique, sans aucune conviction :

    "Bonjour mesdames et messieurs. Accidenté du travail, sans ressources, je me vois obligé de passer parmi vous pour vous solliciter d'une petite pièce ou d'un ticket restaurant..."

    Les mots se voulaient choisis, même si la construction était parfois maladroite. C'en était touchant.
    Il avait la cinquantaine, encore bien mis, mais son air fatigué et sans illusion faisait pitié.

    Habituellement, je donne rarement. Certes, je donne, mais devant le nombre de solliciteurs, je n'ouvre désormais mon porte-monnaie que pour ceux qui me touchent plus particulièrement ou que je trouve sincères.

    Ce matin-là, j'ai sorti mon porte-monnaie, pris une pièce dans ma main.
    Mais il a traversé le wagon presque sans s'arrêter, trop habitué hélas à l'indifférence des gens, trop habitué à ce que personne ne l'écoute, personne ne réagisse.

    J'en suis resté presqu'idiot, ma pièce inutile dans la main. Il était déjà dans le wagon suivant de la rame, recommençant son éternel discours.

    A la station suivante, un autre quémandeur est entré dans le wagon. Il ressemblait à un pré-retraité. Bien habillé. A peine plus jeune que le précédent. L'allure moins abattue toutefois.

    C'est à lui que j'ai donné ma pièce. Pas fier de moi.


  • Commentaires

    1
    Timounch
    Jeudi 24 Mars 2005 à 16:49
    Pas fièr de toi
    mais moi je le suis, un post une histoire! Pleins de bisous tout doux
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    2
    Vendredi 25 Mars 2005 à 11:10
    La mendicité
    se développe de façon troublante ici, à Paris.. JE me sens toujours mal à l'aise, devant ces personnes qui vivotent tant bien que mal .. leurs douleurs .. leurs peines.. Parfois leur sincérité est confondante.. mais eux n'ont pas de syndicats pour les défendre.. pour manifester leur indignation, leur colere.. petit à petit on les laisse tomber dans la misere, misere humaine, sociale, intellectuelle.. puis une fois qu'ils semblent être assez usés pour n'être utile en rien à la société et donc incapables de réinsertion .. on les oublie et on attend l'hivers.. Vous avez eu un beau geste .. l'écouter était déja surment la plus belle chose...
    3
    Little
    Vendredi 25 Mars 2005 à 15:01
    Tiens ça me rappelle
    une histoire que je vais vous raconter sur blog...
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