• Déclare effort fait...

    Depuis quelques semaines, il m'arrive de suivre la nouvelle émission de M6 le jeudi soir "Oui, Chef !". Tel un casting géant à l'image de la Nouvelle Star ou de la Star Ac', l'idée est de repérer des jeunes sans emploi, désireux de devenir cuisiners dans un grand restaurant. Ils sont sélectionnés, formés en accéléré pour obtenir leur CAP, et un emploi leur est ensuite proposé avec un jeune chef ambitieux et talentueux, qui monte son propre restaurant.

    Pour une fois, pas vraiment du "people-land" pour lecteurs de "Voici"... Plutôt même l'envie de donner leur chance à des jeunes parfois sans qualifications, mais qui ont envie de se battre pour y arriver.

    Certes, le montage est fait par les producteurs. Notre vision est très certainement orientée. Ne nous leurrons pas. De plus, ce métier est, on le sait, un des plus durs et des plus exigeants, et parfois bien ingrat. C'est d'ailleurs une des professions qui peine le plus à recruter alors qu'elle manque de bras. Le choix des producteurs n'est donc pas innoncent non plus.

    Mais même avec cette précaution tout à la fois critique et lucide, que constate-t-on ?
    Certains s'accrochent. On s'y attendait. Mais d'autres s'en fichent, malgré leur condition difficile. Voilà qui m'horripile quelque peu. Parmi ces derniers, entre ceux qui considèrent qu'ils ne peuvent décidemment aliéner leur chère "liberté" pour obtenir un travail, ceux qui baissent les bras sous différents prétextes, ceux qui refusent de comprendre que la vie est parfois faite de règles auxquelles il faut nécessairement se plier, je trouve que la culture de l'effort et du mérite est hélas en perdition.

    Quand j'entends parler, au lendemain d'une journée de grève de la fonction publique, de revendications pour des "avantages acquis", je m'indigne encore plus.
    Pour moi, qui ai été fonctionnaire, qui me suis construit ma carrière à force de cours du soir, de concours internes, de diplômes passés pendant mes congés, je n'ai jamais travaillé 35 heures. En ce moment d'ailleurs, pour un salaire (dans le privé) qui n'a pas bougé d'un centime depuis 4 ans, mon temps de travail est plus proche de 45 à 50 heures par semaine.
    Mais je fais ce que j'aime. Je me suis battu - seul - pour cela.
    Rien ne m'est dû. Je ne fais pas l'aumône.

    Alors, cette "culture du loisir", ces "dûs" me font bondir.
    De voir ces jeunes qui refusent la chance qu'on leur offre, d'avoir un métier - difficile certes - ne peut manquer de me désillusionner. Où donc est l'envie de se dépasser pour soi-même, la fierté de se dire "Je l'ai fait !", pour simplement cette joie d'y être arrivé, et pas pour l'argent ?

    effortJ'ai été choqué, je dois l'avouer, d'entendre dire par une des responsables du projet sur lequel je travaille en ce moment (elle est le "client" chez qui je suis en mission) qu'elle espérait que mon employeur saurait me récompenser pour les heures et le travail effectué.
    Quel jugement ! Je travaille, tout simplement. Certes, le projet est difficile, mais c'est un défi qui semblait jusqu'ici impossible à réaliser dans des délais aussi courts. Qu'on puisse y arriver ouvre de nouvelles possibilités. Cette phase demande une implication plus grande sur un délai plus court ? Rien de surhumain.

    Faut-il qu'on me paie en plus pour me remercier d'avoir simplement fait mon travail ?
    Voilà une mentalité qui me dépasse...
    Certes, que mon mérite soit reconnu au travers d'une promotion ou d'une augmentation, je le conçois. Mais que le "coup de collier" nécessaire dans le cadre normal d'un projet soit rémunéré... j'ai du mal à l'imaginer.

    Je ne suis qu'un cadre moyen, ancien fonctionnaire. Et si j'ai pris une disponibilité, c'est bien pour m'échapper du carcan sclérosant de la fonction publique, qui met en place un ronron trop planifié pour être motivant.

    Je me demande, en voyant ces jeunes qui baissent les bras alors qu'on leur offre une chance d'avoir un métier et un travail, si toutes ces déclarations publiques, tous ces discours sur des avantages "acquis", sur ces réclamations de "dûs", ces revendications faites sur le pavé, ne sont pas en train de créer une génération d'assistés.

    Je ne serai jamais syndicaliste.
    Certes, ils sont des interlocuteurs nécessaire, des partenaires du dialogue social.
    Et je suis contre les injustices. Profondément.
    Mais cette culture du médiocre, ne pas exalter le dépassement de soi, l'ambition saine et positive, le goût de l'effort... et savoir qu'on a réussi. Pour soi-même. Sans rien devoir aux autres...
    Je ne peux pas adhérer. Vraiment.

  • Commentaires

    1
    Ben
    Lundi 24 Janvier 2005 à 20:20
    Petite rectification...
    On leur propose pas une place de cuisinier, mais de commis. Mais ca ne change rien à ton propos
    2
    EclatDuSoleil
    Lundi 24 Janvier 2005 à 22:56
    Fonctionnaire et syndicaliste...
    Charmeur, je ne peux pas te laisser dire sans réagir... Certes, je suis peut-être atypique, mais je suis... fonctionnaire et syndicaliste (déléguée du personnel), sans pour autant dédaigner le goût de l'effort... D'ailleurs, j'ai quitté la fonction publique avant d'y revenir, j'ai passé l'an dernier mon diplôme de Sup de Co en formation continue, donc tout en continuant à assumer mon job... et je bosse aussi plus souvent 45 ou 50 heures par semaine que 35... Eduquons donc nos enfants dans la culture de l'effort, tâchons en tant que managers pour ceux qui le sont de valoriser les efforts de nos collaborateurs, mais ne catégorisons pas ceux qui en feraient et ceux qui n'en feraient pas en fonction d'un quelconque statut... ces étiquettes m'insultent et me font de la peine !
    3
    Charmeur
    Mardi 25 Janvier 2005 à 02:54
    Dont acte, EDS...
    ... entre atypiques (Athypio n'a qu'à bien se tenir), je sais qu'il y a des exceptions, bien sûr. Mais avoue que ce langage est bien le plus fréquent (je le sais pour l'avoir trop souvent entendu). Et même dans la fonction publique, je faisais couramment les mêmes horaires, moi aussi...
    4
    Mercredi 26 Janvier 2005 à 16:11
    culture du moindre effort
    je suis tellement d'accord avec toi charmeur... Ce discours du "je veux tout, tout de suite, le beurre, l'argent du beurre et la crémière mais sans me fatiguer", je l'ai si souvent entendu. Ca m'horripile au moins autant que toi...
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